BAPTISTE MÉNARD

Épisode 2 | Lectures Estivales | Troisième Gauche ?

La Fondation Jean Jaurès a publié en juin 2025 un volumineux rapport (près de cent pages) intitulé :
La troisième gauche : Enquête sur le tournant post-sociétal de la gauche européenne.
 
Force est d’avouer que la lecture de cette étude fouillée et savante (qui n’a rien d’un roman de plage) pousse à se poser de nouvelles questions, et peut-être même à entreprendre l’exercice salutaire – mais difficile – de « penser contre nous-mêmes ».
 
« Des » gauches ?
 
Peut-être aurait-il été plus juste que le titre La troisième gauche soit suivi d’un point d’interrogation. Car il nous oblige à interroger la pertinence même de l’opposition classique entre « première » et « deuxième » gauche. Et à nous rappeler qu’il ne s’agit là que d’une ligne de fracture parmi d’autres au sein de « la » gauche, ou plutôt des gauches.
 
D’autres clivages existent depuis longtemps :
•entre « réformistes » et « révolutionnaires », depuis plus d’un siècle ;
•entre « républicains » et « démocrates », selon la typologie de Régis Debray ;
•entre « patriotes » et « internationalistes » ;
•ou encore entre « européistes » et « souverainistes ».
 
Ces lignes de faille traversent les partis politiques – particulièrement le Parti socialiste – mais aussi, en réalité, chacun d’entre nous.
 
Plus récemment, l’évolution de La France Insoumise, passée d’un républicanisme sourcilleux à un « populisme de gauche » opposant désormais « le peuple » aux « élites » plutôt que des classes sociales définies, a accentué les divisions. Une gauche qui se revendique « irréconciliable » avec la gauche humaniste et universaliste ne peut que fragmenter davantage le camp progressiste.
 
Le social et le sociétal
 
La question se pose alors : cette « troisième gauche » ne risque-t-elle pas d’ajouter une césure supplémentaire à une gauche déjà éparpillée « façon puzzle » ? Ou peut-elle, paradoxalement, ouvrir la voie à une forme d’unité ?
 
En ce sens, l’étude de la Fondation Jean Jaurès prend le contre-pied d’une autre note, très controversée, qui invitait la gauche à renoncer à ses bases traditionnelles – notamment le monde ouvrier, considéré comme acquis à l’extrême droite – pour chercher son électorat ailleurs : d’un côté, dans les classes aisées des grandes métropoles ; de l’autre, dans les banlieues populaires à forte immigration. On incitait ainsi la gauche à délaisser les « prolos » pour séduire les « bobos » et les « loulous », à privilégier les enjeux sociétaux au détriment du social.
 
Une gauche « post-sociétale » ?
 
Renaud Large, coordinateur de l’étude, qualifie cette « troisième gauche » de « post-sociétale ». Selon lui, les forces progressistes n’ont pas su s’adapter aux mutations sociales, économiques et culturelles des dernières décennies. Ni le « social-libéralisme », ni le « populisme de gauche » n’ont su répondre aux crises ni rassembler des majorités durables.
 
D’où la nécessité, selon lui, d’une « troisième gauche » cherchant à réconcilier :
•justice sociale,
•souveraineté nationale,
•sécurité,
•et cohésion républicaine.
 
Elle viserait à articuler défense des classes populaires et attachement à la nation, tout en intégrant l’impératif écologique et la régulation des flux migratoires. Contrairement aux discours identitaires ou communautaristes, cette gauche se voudrait universaliste, républicaine et socialiste, mais plus conservatrice sur les questions culturelles et identitaires, afin de regagner la confiance des classes populaires.
 
Il s’agirait donc de renouer avec le combat social tout en prenant au sérieux l’aspiration des classes populaires à plus d’ordre et de sécurité – et en cessant de contourner les débats sur l’immigration.
 
Ces thématiques sont aujourd’hui portées par des voix diverses : François Ruffin (la France des tours et des bourgs), Caroline Fourest et le journal Franc-Tireur. On en trouvait déjà des prémices chez Élisabeth Badinter, intransigeante sur la laïcité, ou encore chez Manuel Valls, qui associait libéralisme économique et fermeté sur les questions sécuritaires et migratoires.
 
Pour une gauche humaniste, universaliste, laïque et sociale
 
On comprend que ces orientations puissent paraître dangereuses à une partie de la gauche, notamment sur la question de l’immigration.
 
Notre aspiration demeure la constitution d’une force de gauche résolument humaniste, universaliste, laïque et sociale. Pour y parvenir, il nous faut avoir le courage d’aborder sans frilosité tous les sujets, y compris ceux « qui fâchent ».
 
C’est ce à quoi, nous allons nous atteler avec mon club « Lueurs Républicaines ». Nous présenterons d’ailleurs cette nouvelle ambition ainsi que notre feuille de route en marge du campus du PS à Blois à l’occasion de notre apéro débat qui se déroulera le jeudi 28 août entre 18h00 et 19h30 au bar l’Agriculture de Blois ( à 2 pas de la Halle aux Grains)
 
C’est à cette tâche que nous devons nous atteler rapidement, avec l’ambition d’apporter notre pierre non seulement à l’émergence d’une « troisième gauche », mais surtout à la reconstruction de la gauche dans son ensemble – dont le Parti socialiste a vocation à rester le cœur